19 Juin 1995
Un lit. Je ne me souviens que d'un lit. Un chat dans un paquet en papier craft. Une maman qui pleur. Et un lit. Un lit immense. Ou tout petit. Je crois qu'il était tout petit. Blanc. Je me souviens aussi d'une salle où de gentilles dames me donnaient des feuilles pour faire des jolis dessins. Il y avait des enfants de partout. Comme dans un cauchemard où tout est trop grand quand nous sommes si petits. Dans les couloirs ma voix de petite fille résonnait. Des grands de partout et des bébés. Deux petites filles. Un petit garcon. On m'avait expliqué que lorsque qu'il sortirait de sa 'boîte' en verre je pourrais le prendre dans mes bras. On m'avait expliqué des tas d'autres choses que je n'avais pas comprises. Ou que je n'avais pas voulu comprendre. Peut être. Surement. Je serrais fort ce chat blanc dans mes bras et j'errais dans ces couloirs immenses. On m'avait oubliée. Puis on avait fini par quitter tous ensemble ces peintures blanches. On avait mis le bébé dans un des deux lits identiques posées côte à côte dans la chambre. Il y avait aussi deux armoires, deux lapins colorés, deux jolies couvertures brodées et un bébé. Et ce lit toujours qui restait dans ma tête, une image fixe qui ne partait plus de devant mes yeux. Des regards d'enfants.
     Je ne me souviens pas de tout. Juste d'un lit, d'un chat. Des yeux mouillés. Deux petites filles et un petit garcon.

Tourner la page et tout laisser derrière. Ou presque. Comme si tout ca n'avait été qu'une passade. Quelques années d'une vie. Faire comme si ce n'etait pas important et pour une fois se retourner sur soi. Je me pose des questions comme si ce moment de ma vie etait d'une importance majeure. Alors peut etre. Peut etre que cette décision changera quelque chose. Passer à autre chose ne veut pas forcément dire oublier. Peut être que chacun un jour doit faire ce genre de concessions pour continuer son petit bout de chemin. Laisser faire les choses, provoquer? Je cherche, je me cherche, comme on chercherai une paire de clés au fond d'un sac. 'Qui suis-je, où vais-je, dans quel état j'ère?' et toutes ces questions qui font la vie.

"Il Pleut, c'est malheureux il pleut, depuis ce matin"

Je repense à des choses que je préfèrerais oublier. Je repense à lui et tous ses défauts. Je repense aux choses que je n'ai pas faites. Je repense aux mots que je n'ai pas dit. Je repense à cette porte, à ce lit. Je repense à ce parfum, à ses yeux. Je repense à son visage apres, au sien avant. Je repense à ces sourires, à cette joie, à ces peines. Je repense à toutes ces petites choses qui font ma vie. Ces couleurs, ces soleils, ces instants, ces odeurs. Tous ces moments auquels on repense dans certaines situations, lorsque l'on fait certaines choses. Comme lorsque l'on dit 'j'ai déjà vécu ca'.  J'y repense avec une boule dans le ventre et un sourire sur les lèvres. Je ne regrette rien. Parce que tous ces souvenirs sont les miens. Bon ou mauvais, je les garde au fond de moi. Je n'en dévoilerai pas la moitié, je ne les oublierai pas, je ne dirai rien à personne.

Une vie sous célophane. Je reste là à ne plus savoir quoi faire, comme chaque fois. Le ciel s'assombrit. La vie aussi. Il pleut dehors comme il pleut en dedans. Et pourtant il faisait beau. Je me souviens du rayon de soleil qui eclairait le paquet en papier craft. Je me souviens du morceau de poils synthétiques blancs qui en sortait. Je me souviens de tout cela comme si c'était hier, et pourtant. A l'interrieur du paquet c'etait un chat. Je l'avais appelé flocon. Peut etre pour la couleur, peut etre pour la neige. Je ne sais plus, je ne sais pas. On m'avait dit 'Il t'a laissé ceci', un sourire sur les lèvres et un vibrement dans la voix. Celui que j'attendais depuis si longtemps. Et puis tout est allé trop vite ensuite. Je n'ai pas tout compris. Les évènement ont pris une tournure étrange pour la petite fille que j'étais. J'ai pris mon chat sous le bras, et j'ai continué à marcher. Je m'en souviendrai toujours, je me souviendrai toujours de trop de choses.

Aujourd'hui Elle a dix huit ans. Aujourd'hui il n'a pas plut, il n'a pas neigé non plus. Il y avait ce temps ni trop chaud, ni trop froid. Tellement 'ni trop' qu'on y fait plus tellement attention. On passe la journée sans se soucier du temps pour une fois. J'avais mon parapluie vert sur moi, parce qu'on ne sait jamais quand meme. La journée est passée très vite. Il y avait ce petit quelque chose qui fait que c'est une journée comme les autres mais pas tout a fait quand meme. J'ai commencé 'la théorie du panda', j'aime la couverture et le titre. Il n'y a pas de résumé à l'arrière, et j'ai eu envie de me plonger dedans. On verra. Quand je l'aurais fini je me replongerai dans 'la Peste', puis je retournerai à la bibliothèque. Parce que j'aime l'odeur des livres à la bibliothèque, et puis quelque fois on trouve les marques pages que d'anciens lecteurs ont oublié de récupérer.

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